mai 16, 2019
Sauvez-vous
mai 16, 2019« L’humanité s’est éteinte. Le réchauffement climatique a eu raison de nous. Notre civilisation n’a pas su lire entre les l...
« L’humanité s’est éteinte.
Le réchauffement climatique a eu raison de nous. Notre civilisation n’a pas su lire entre les lignes, se montrer à la hauteur des enjeux, réagir aux signes.
Et pour cause, cela paraissait tellement inconcevable à l’époque… Au sommet de la modernité, qui aurait pu croire que l’humanité pouvait aussi facilement s’effondrer ?
Pourtant, une fois le premier domino tombé, la catastrophe se résuma à une froide et implacable logique, aussi effroyable que mathématique.
Nous pensions que tout était acquis. Qu’un génie trouverait la clé de notre survie.
Mais je suis le dernier.
Aux portes de la mort, je vous lègue cet ultime souhait : une dernière chance de tout changer. »
Le réchauffement climatique a eu raison de nous. Notre civilisation n’a pas su lire entre les lignes, se montrer à la hauteur des enjeux, réagir aux signes.
Et pour cause, cela paraissait tellement inconcevable à l’époque… Au sommet de la modernité, qui aurait pu croire que l’humanité pouvait aussi facilement s’effondrer ?
Pourtant, une fois le premier domino tombé, la catastrophe se résuma à une froide et implacable logique, aussi effroyable que mathématique.
Nous pensions que tout était acquis. Qu’un génie trouverait la clé de notre survie.
Mais je suis le dernier.
Aux portes de la mort, je vous lègue cet ultime souhait : une dernière chance de tout changer. »
Gaëtan Noël est arrivé dans ma vie de lectrice comme un pavé dans la mare ; son Tourment des Rois aura très vite fait de laisser une empreinte indélébile dans mon esprit, de même qu’Hydan aura marqué mon cœur au fer rouge. Après avoir doucement échauffé les lecteurs à l’encre de sa plume en Fantasy, il revient avec un roman de Science-Fiction pour remettre ses pendules à l’heure à l’humanité. Je le remercie une nouvelle fois, non seulement pour m’avoir permis de découvrir ce nouveau roman en avant première, mais également pour son travail d’écriture qui, au delà de sa simplicité apparente, recèle toujours de trésors et de surprises.
Le roman, sous la forme de mémoires, laisse entendre la voix de Léonard, surnommé Léo, ancien anthropologue sexagénaire et dernier survivant de l’espèce humaine, face à une extinction de masse qui se pose comme résultat de toutes les calamités écologiques perpétrées par l’Homme. Cette narration rétrospective, à l’aune de sa propre mort et à la lumière d’un corps défaillant, abimé par le climat, par le désespoir et par le manque, apporte une couleur résolument pessimiste, infiniment tragique au roman, couleur qui faisait déjà la spécificité si intense du Tourment des Rois que j’ai tellement aimé.
Cette fois‑ci ancrée dans une réalité tangible, celle du monde et des problématiques qui nous sont contemporaines, Sauvez‑vous sert de mise en garde, de perche tendue à un lecteur qui est enjoint à la saisir. C’est que le personnage, par sa nature, permet la crédibilité du récit ; son âge lui accorde un vécu, un certain recul non seulement sur sa vie mais également sur les faits qu’il n’a plus qu’à observer. Recul lui‑même conforté par une profession, par un regard scientifique, anthropologique, porté sur le monde.
C’est justement ce fil d’Ariane anthropologique qui lance la réflexion du personnage qui se poste en Darwin désabusé, affichant non sans rancœur le résultat d’une évolution pervertie. La chronologie de l’humanité est passée au crible ; révolution industrielle succédant à une révolution agricole par des explications factuelles et documentées, suivies de théories au sujet de révolutions cognitives puis universelles qui viennent étayer un raisonnement, une thèse sur les tenants et les aboutissants des comportements humains.
Toutefois ces considérations, ces réflexions et ces questionnements ne tournent pas à la morale, ni à la leçon de sciences naturelles ; ils sont clairement, calmement - presque doucement - exposés, méthodiquement retracés pour mettre le doigt sur l’origine du problème et peut‑être donner des pistes de résolution. Et c’est précisément en cela que le roman prend, à mon sens, sa première force ; en cette capacité d’analyser le vivant, de mettre des mots sur les comportements pour mieux les démonter, mais sans portée moralisatrice, juste pour exprimer une urgence.
Le roman, sous la forme de mémoires, laisse entendre la voix de Léonard, surnommé Léo, ancien anthropologue sexagénaire et dernier survivant de l’espèce humaine, face à une extinction de masse qui se pose comme résultat de toutes les calamités écologiques perpétrées par l’Homme. Cette narration rétrospective, à l’aune de sa propre mort et à la lumière d’un corps défaillant, abimé par le climat, par le désespoir et par le manque, apporte une couleur résolument pessimiste, infiniment tragique au roman, couleur qui faisait déjà la spécificité si intense du Tourment des Rois que j’ai tellement aimé.
Cette fois‑ci ancrée dans une réalité tangible, celle du monde et des problématiques qui nous sont contemporaines, Sauvez‑vous sert de mise en garde, de perche tendue à un lecteur qui est enjoint à la saisir. C’est que le personnage, par sa nature, permet la crédibilité du récit ; son âge lui accorde un vécu, un certain recul non seulement sur sa vie mais également sur les faits qu’il n’a plus qu’à observer. Recul lui‑même conforté par une profession, par un regard scientifique, anthropologique, porté sur le monde.
C’est justement ce fil d’Ariane anthropologique qui lance la réflexion du personnage qui se poste en Darwin désabusé, affichant non sans rancœur le résultat d’une évolution pervertie. La chronologie de l’humanité est passée au crible ; révolution industrielle succédant à une révolution agricole par des explications factuelles et documentées, suivies de théories au sujet de révolutions cognitives puis universelles qui viennent étayer un raisonnement, une thèse sur les tenants et les aboutissants des comportements humains.
Toutefois ces considérations, ces réflexions et ces questionnements ne tournent pas à la morale, ni à la leçon de sciences naturelles ; ils sont clairement, calmement - presque doucement - exposés, méthodiquement retracés pour mettre le doigt sur l’origine du problème et peut‑être donner des pistes de résolution. Et c’est précisément en cela que le roman prend, à mon sens, sa première force ; en cette capacité d’analyser le vivant, de mettre des mots sur les comportements pour mieux les démonter, mais sans portée moralisatrice, juste pour exprimer une urgence.
Le rythme, paradoxalement, n’en devient que plus calme, étonnamment lent. Pas lent au sens de languissant, lent au sens d’engourdi, d’indolent. Comme si les douleurs multiples de Léo, et sa résolution aussi, s’étendaient à la narration‑même. Toujours porté par une plume qui enjoint philosophie et clarté, le récit se déroule à la manière d’une histoire, d’un conte quasiment, pour former un univers à la fois similaire au nôtre et pourtant alternatif et donner sa pleine mesure à l’anticipation.
Les sursauts conspirationistes apportés au récit, avec notamment l’expérimentation des ressorts du terrorisme ou encore les considérations purement politiques apportent une perspective nouvelle à la « simple » composante écologique. Oui l’écologie est l’un des thèmes centraux, mais Sauvez‑vous est bien, bien plus qu’un manifeste pour la planète. En à peine 140 pages et par seulement quelques phrases, parfois quelques mots, l’auteur distille des pistes de méditation multiples : vivre et mourir avec la maladie, s’aimer vraiment, viscéralement, au‑delà des préjugés et du regard des autres, se sacrifier au profit d’une famille, ou au contraire sacrifier une famille au profit d’un intérêt universel. Autant de raisonnements qui n’ont qu’un but : démanteler la nature humaine pour comprendre le sens de l’univers.
Ce questionnement existentiel est jalonné par la présence extra-terrestre - les yumehs - ; une présence qui n’a rien de novatrice mais qui est juste fondamentale. Ces derniers sont à la fois le catalyseur et le point de mire du roman ; ce sont eux qui dirigent les explications de Léo, qui instaurent l’horizon d’attente du roman et qui lui accordent sa dynamique. Une dynamique de la révélation et de la compréhension.
D’autre part, ce sont également eux qui jalonnent un récit qui, dans la bouche de Léonard aurait tendance à digresser, recentrant le sujet sur ce qui est important : la survie ou l’extinction de l’espèce humaine. Importante donc, mais pas originale, pas épique, je ne dirais même pas marquante, selon moi l’enjeu de cette présence n’est pas là. La lecture ne nous apprend rien de leurs mode de vie, rien de leur fonctionnement, rien de leur propre évolution (à quelques exceptions près), en ayant recours à une explication qui pourrait passer pour solution de facilité mais qui n'en est pas un. L’auteur va jusqu’à se jouer des codes en donnant à ses personnages des patronymes faisant référence de manière univoque au monde de la Science‑Fiction. Ils servent l’entreprise plus philosophique d’un autre degré de lecture et de réflexion pour parachever ce qui est à mon sens le plus fort de cette aventure dans le temps : sa dimension métalittéraire.
Dimension métalittéraire au sujet de la fiction dans un premier temps, qui s’impose comme marqueur différentiel unique entre humanité et animalité, de l’écriture et de la Science‑Fiction elle‑même avec tout un mécanisme de renvois et de références explicites au genre dans un second temps. La réécriture de la portée de cette dernière, de sa définition même et de son lien, de son retentissement sur les comportements humains, méritent que l’on se penche sérieusement sur ce livre. Sans pouvoir m’étendre trop sur le sujet pour éviter tout risque de spoil qui vous gâcherait le plaisir de la découverte (et croyez‑moi que je n’en suis que plus frustrée), c’est cette composante, ce traitement du récit qui m’a le plus chamboulée.
L’histoire de Léo pourrait se résumer à quelques lignes, pourrait paraître simpliste, mais son traitement... Son traitement est probablement ce que le roman renferme de plus intense, de plus intelligent et de plus terrible. Le dénouement m’a à la fois arraché un sourire de contentement et un frisson d’émotions contradictoires en ce que la tragédie des dernières pages se superpose à un génie d’écriture qui oblige à une reconsidération totale du roman. Une phrase, toute simple, remet en perspective l’ensemble du roman et son impact sur le lecteur, justement en usant de cette méta‑littérarité. C’est précisément cette tournure, ce mécanisme, cette bifurcation narrative qui, selon moi, accordent son impact au roman dont le message n’acquiert par ce biais que plus de puissance. Sentiment d’urgence, de peine, d’espoir et de peur viennent finalement tacler le lecteur qui reste lui‑même bloqué à la fin d’un roman dont il a le pouvoir de changer le cours...
Les sursauts conspirationistes apportés au récit, avec notamment l’expérimentation des ressorts du terrorisme ou encore les considérations purement politiques apportent une perspective nouvelle à la « simple » composante écologique. Oui l’écologie est l’un des thèmes centraux, mais Sauvez‑vous est bien, bien plus qu’un manifeste pour la planète. En à peine 140 pages et par seulement quelques phrases, parfois quelques mots, l’auteur distille des pistes de méditation multiples : vivre et mourir avec la maladie, s’aimer vraiment, viscéralement, au‑delà des préjugés et du regard des autres, se sacrifier au profit d’une famille, ou au contraire sacrifier une famille au profit d’un intérêt universel. Autant de raisonnements qui n’ont qu’un but : démanteler la nature humaine pour comprendre le sens de l’univers.
Ce questionnement existentiel est jalonné par la présence extra-terrestre - les yumehs - ; une présence qui n’a rien de novatrice mais qui est juste fondamentale. Ces derniers sont à la fois le catalyseur et le point de mire du roman ; ce sont eux qui dirigent les explications de Léo, qui instaurent l’horizon d’attente du roman et qui lui accordent sa dynamique. Une dynamique de la révélation et de la compréhension.
D’autre part, ce sont également eux qui jalonnent un récit qui, dans la bouche de Léonard aurait tendance à digresser, recentrant le sujet sur ce qui est important : la survie ou l’extinction de l’espèce humaine. Importante donc, mais pas originale, pas épique, je ne dirais même pas marquante, selon moi l’enjeu de cette présence n’est pas là. La lecture ne nous apprend rien de leurs mode de vie, rien de leur fonctionnement, rien de leur propre évolution (à quelques exceptions près), en ayant recours à une explication qui pourrait passer pour solution de facilité mais qui n'en est pas un. L’auteur va jusqu’à se jouer des codes en donnant à ses personnages des patronymes faisant référence de manière univoque au monde de la Science‑Fiction. Ils servent l’entreprise plus philosophique d’un autre degré de lecture et de réflexion pour parachever ce qui est à mon sens le plus fort de cette aventure dans le temps : sa dimension métalittéraire.
Dimension métalittéraire au sujet de la fiction dans un premier temps, qui s’impose comme marqueur différentiel unique entre humanité et animalité, de l’écriture et de la Science‑Fiction elle‑même avec tout un mécanisme de renvois et de références explicites au genre dans un second temps. La réécriture de la portée de cette dernière, de sa définition même et de son lien, de son retentissement sur les comportements humains, méritent que l’on se penche sérieusement sur ce livre. Sans pouvoir m’étendre trop sur le sujet pour éviter tout risque de spoil qui vous gâcherait le plaisir de la découverte (et croyez‑moi que je n’en suis que plus frustrée), c’est cette composante, ce traitement du récit qui m’a le plus chamboulée.
L’histoire de Léo pourrait se résumer à quelques lignes, pourrait paraître simpliste, mais son traitement... Son traitement est probablement ce que le roman renferme de plus intense, de plus intelligent et de plus terrible. Le dénouement m’a à la fois arraché un sourire de contentement et un frisson d’émotions contradictoires en ce que la tragédie des dernières pages se superpose à un génie d’écriture qui oblige à une reconsidération totale du roman. Une phrase, toute simple, remet en perspective l’ensemble du roman et son impact sur le lecteur, justement en usant de cette méta‑littérarité. C’est précisément cette tournure, ce mécanisme, cette bifurcation narrative qui, selon moi, accordent son impact au roman dont le message n’acquiert par ce biais que plus de puissance. Sentiment d’urgence, de peine, d’espoir et de peur viennent finalement tacler le lecteur qui reste lui‑même bloqué à la fin d’un roman dont il a le pouvoir de changer le cours...
En clair, Sauvez-vous m’a étonnée par bien des aspects. Si j’ai trouvé le postulat de départ relativement simple, j’ai surtout trouvé que l’auteur parvenait à déployer une nouvelle facette de son talent. J’ai adoré retrouver cette plume si caractéristique, empreinte à la fois de tragédie nostalgique, de fatalité et de philosophie, mise ici au service d’une mise en garde face aux dégâts environnementaux se jouant dans notre réalité. Une réalité qui teinte de toute manière le roman et qui entretient avec lui une relation bien particulière. Ne vous attendez pas à une redécouverte, à une réécriture de ce que pourrait être la vie extra-terrestre, de ce que pourrait être une œuvre de Science-Fiction. Attendez-vous à une prise de conscience, à un choc mental, parce que Gaëtan Noël a une fois encore mis à notre disposition un roman marquant. Je ne saurais que trop vous conseiller de lire ce livre, et de lire le Tourment des Rois, qui bien qu’ils soient fondamentalement différents sont également indissociables.